jeudi 27 juin 2013

Au revoir, Monsieur

PYL, dit aussi Castor, est sans doute pour la plupart d'entre vous, mes chers lecteurs, un parfait inconnu. Pierre-Yves Labbe, décédé le 18 juin 2013, était pourtant un grand monsieur.

En septembre 1939, PYL est âgé de 19 ans. Il est étudiant en médecine et déjà titulaire d'un brevet de patron pêcheur. Il est aussi chef scout de la IIIe Angers. En juin 1940, il forme le projet de rejoindre l'Afrique du Nord ou l'Angleterre et quitte la ville. Arrivé à Royan, il rencontre un officier de Marine français qui le persuade que sa présence sur le territoire national est importante et qui lui propose de rejoindre le Deuxième Bureau, (service de renseignement alors placé sous le commandement de Rivet et Paillole). Il reste jusqu'en octobre à Toulouse, dans ce qui est devenu la Zone libre.

Quelques mois plus tard, un certain "Jean Castor" - notre PYL - passe la ligne de démarcation clandestinement et réapparait à Angers. Il reprend immédiatement la direction de la troupe. C'est déjà la rébellion : le scoutisme est interdit en zone occupée par les autorités allemandes qui soupçonnent qu'il y a là un foyer d'insoumis*. Ils n'ont pas tort, puisque PYL va mener de front scoutisme et résistance, les volontaires issus des unités scoutes constituant le gros du réseau.

Il crée d'abord avec le concours de l’abbé Jeanneteau une filière d'évasion pour des Tirailleurs sénégalais dont certains sont blessés. Cela implique de franchir une rivière. Il transforme donc progressivement la troupe "terrienne" en troupe "marine" pour disposer d'embarcations et de matelots. Il dissimule le tout sous couvert d'une association sportive bien réelle et qui participe à la vie officielle de la municipalité. Cette filière fonctionnera tout au long de la guerre pour d'autres membres de la Résistance, des pilotes abattus, ou encore des Juifs.

Mais sa principale activité sera le renseignement, notamment orienté sur la Kriegsmarine qui avait basé à Angers son centre de transmission pour l'ensemble des opérations sous-marines. Il mène le même lent et méticuleux travail de recherche, d'identification, de recoupements, d'analyse et de transmission si précieux pour les Alliés que celui décrit par Pierre Nord dans ses ouvrages (notamment Mes camarades sont morts). Plusieurs membres du réseau sont arrêtés, torturés puis déportés. Tous continueront pourtant jusqu'à la Libération. Début 1944, Jean Castor est enregistré au BCRA-Marine.

Le 6 août 1944, alors que les Américains approchent d'Angers, PYL fait surveiller le secteur de Pruniers (Bouchemaine) et surtout le pont de chemin de fer dont il a pour mission d'empêcher la destruction. Grâce aux observations rapportées par Odette Perreau**, cheftaine de louveteaux appartenant au réseau, il sait que le pont de chemin de fer est intact. Il parvient à rejoindre les lignes américaines où il découvre que les plans d'attaque consistent à bombarder massivement Angers avant de donner l'assaut. PYL, qui est encore Jean Castor, convainc ces derniers que moyennant une diversion, une opération de contournement est possible par le pont de Pruniers. Il se met avec ses hommes à disposition pour guider le 3e bataillon du 11e régiment d'Infanterie américaine, dirige les tirs de mortiers qui réduisent les défenses allemandes et participe aux combats. Entre le 8 et le 10 août, la ville qui a échappé à la destruction est libérée.

Jean Castor laisse la place à Pierre-Yves Labbe. Il fait carrière dans les commandos marine, terminant avec le grade de capitaine de vaisseau. Il demeure très impliqué dans le scoutisme***, aux Scouts de France d'abord, comme Commissaire National des scouts marins auprès de Michel Menu, puis aux Scouts d'Europe comme Commissaire National Eclaireur. De nombreuses troupes "Marines" lui doivent leur création. Rappelons à cette occasion qu'Odette Perreau sera, après le lancement d'un premier mouvement de jeunes, Commissaire Nationale Louvetisme également aux Scouts d'Europe. 

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Il se raconte que la IIIe Angers fut proposée pour être citée à l'ordre de l'Armée mais que finalement, cela ne se fit pas. Qu'importe. 

Certains - ils se reconnaîtront - ont appris qu'il convient de "donner sans compter, travailler sans chercher de repos et combattre sans souci des blessures". Ils n'en concevront donc aucune amertume ni gloriole, et dédaignant les diatribes des petits commissaires politiques qui voudraient bien voir disparaître un certain scoutisme, ils continueront de suivre la trace d'un grand chef scout.


*  Le 4 octobre 1940, le général Streccius, chef de l'administration militaire allemande en France demande au délégué du gouvernement français en territoire occupé (DGTO) demande l'interdiction du scoutisme au motif que "c'est de la préparation militaire".

** Odette Perreau fit sa promesse en mai 1938 au cours d’un camp-retraite du Père Sevin.

*** Pour en savoir plus, se reporter au livre Scouts marins, parés ! Antoine Chataignon, illustré par Pierre Joubert, éditions l'Harmattan

jeudi 13 juin 2013

Je ne demande pas à monsieur si monsieur sait s'en servir.

Sans vouloir remuer la charrue dans la plaie ni le carambar dans la carie, il est quand même permis de se demander si finalement, le renseignement policier sait parfois quelque chose. Parce que ces derniers temps, c'est une épidémie, quand même.

Prenez Merah, par exemple. Au début, la police a dit qu'elle ne savait rien du bonhomme. Ensuite, la police a dit qu'elle savait, mais pas tout. Enfin si. Elle savait tout, mais pas tout le monde dans la police savait qu'elle savait tout. Finalement, ce qui est certain, c'est que ceux qui auraient dû savoir ne savaient pas. C'est dommage, parce qu'il semble qu'ils étaient bien les seuls à ne pas savoir.

Prenez Alexandre, aussi. Vous savez, le gars qui a filé des coups de cutter à un mili qui faisait rien que se promener nonchalamment dans nos gares pour son plaisir. Bah... tout pareil. La police savait rien. Et puis en fait, si, elle savait tout. Mais c'étaient toujours pas ceux qui auraient dû savoir qui savaient. Non, ceux-là, ils savaient pas. Remarquez, ce deuxième événement n'a pas fait de mort.

Prenez Cahuzac. Rebelotte ? Non, là, il y a quand même quelque chose d'original. Au début, la police savait tout. Enfin, presque tout. Bon d'accord, c'étaient toujours pas les bons qui savaient, mais quand même, elle savait. Mais là, maintenant, pouf ! Coup de théâtre ! En fait, elle savait rien. Si-si, j'vous jure, elle savait rien. C'est ballot, non ? Notez que dans cette histoire, il n'y a pas eu de mort, pas même de blessé. Enfin, pas pour l'instant, mais ça ne va peut-être pas durer.

On peut accuser les pros de mal faire leur boulot. C'est d'autant plus pratique qu'ils peuvent pas répondre. On peut aussi se dire que "qui veut noyer le poisson, l'accuse de la rage" (je suis très proverbe, ces temps-ci).

Alors finalement, je demande à Monsieur (le Ministre) si Monsieur sait s'en servir...

mardi 11 juin 2013

Je critique pas le côté farce. Mais pour le fair-play, y aurait quand même à dire...

... concluait mon ami Lino - oui, encore un ami - alors qu'un léger différent commercial était soldé par la suppression du concurrent à l'explosif. (Je précise ici à toutes fins utiles qu'il ne s'agit pas d'un quelconque aveu de complicité à une truanderie mais d'une formule, d'un clin d’œil, d'une allusion cinématographique, d'une sorte de référence culturelle, quoi.) J'en tire la conclusion que les plus turbulents compères n'en perdent pas pour autant tout sens de la mesure. Ce n'est visiblement pas le cas de tout le monde.

Dimanche, donc, des jeunes gens ont interrompu la finale de Roland Garros pour faire entendre leur différence. Il parait que ce sont des Hommen (mot latin qui signifie homme, comme dirait Carolest Fourine). Vu que la manifestation n'était pas déclarée, que c'était un événement sportif, que c'était un match de légende et toussa, hop, voilà les Hommen interpellés. Reconnaissons que c'était dans la logique des choses. On ne fera pas encore une fois le parallèle avec les très stipendiées Femen (mot latin qui signifie femme, comme dirait Carolest Fourine), parce que tout le monde connaît déjà. Faut tout de même admettre que ça finit par agacer, mais je vais m'arrêter là parce que je sens que je m'échauffe. Bref.

Là où ça se corse, c'est que les Hommen sont placés en garde-à-vue. Curieux non ? D'habitude, tout le monde trouve ça très bien la différence. On fait des colloques, des symposiums, des rencontres, on recommande, on célèbre, on promeut, on sponsorise, on subventionne. Sauf là. Non, là, c'est une différence qui voudrait continuer à faire pareil. Et ça, c'est mal. Alors hop, garde-à-vue. Nanméo, c'est qu'il faudrait pas confondre la bonne et la mauvaise différence. C'est comme le bon et le mauvais chasseur. Parait qu'y a des écrits là-dessus. Bref.

Quand on apprend que la garde-à-vue est portée à 48h et qu'on entend parler de poursuites pour "Violence avec armes par destination et visage dissimulé", on se dit qu'il faut carrément pas rigoler avec la promotion de la mauvaise différence...


Bon, en même temps, vous inquiétez pas trop, les gars. J'ai lu dans le Monde que "port illégal d'arme, vol avec effraction, vol avec violences et violation de domicile", en justice, ça coûtait juste des rappels à la loi. Vous ne pouvez pas risquer plus grave pour un fumigène et un masque. Enfin, normalement...

Le ridicule ne tue pas, c'est entendu. Quand on exerce le pouvoir, qu'on rend la justice ou qu'on est chargé du maintien de l'ordre, peut-être serait-il tout de même bon de n'en user qu'avec discernement.
Je critique pas le côté farce, hein ! Mais pour le fair-play, y aurait quand même à dire...


Add 12 juin : les 4 derniers sont relâchés après 48h de GAV + quasiment 24h de détention supplémentaires au dépôt. Le motif de poursuite évoqué à l'origine "violence aggravée" - nannan, vous rêvez pas ! - semble abandonné au profit de quelque chose de plus raisonnable. Enfin, plus exactement, de moins délirant.

samedi 8 juin 2013

MPT du 24 mars : t'es mauvais, Jack !

C'est entendu, chers amis, vous êtes un ramassis d'anachronismes ambulants dont il conviendrait de se débarrasser enfin. D'ailleurs, par exemple, en bons descendants des méchants nantis, vous vous abstenez de lire la presse et de regarder la télé pour consacrer votre temps libre à envoyer vos serfs aux oubliettes et pouvoir ainsi galoper librement dans leurs champs - exprès.
Vous ne savez pas ce que vous ratez. Permettez-moi de vous livrer une rapide revue de presse qui ne manquera pas d'éclairer vos esprits étroits et de vous ramener à une claire compréhension des événements de cette funeste journée.

Le 24 mars 2013, donc, "1 500 policiers et gendarmes" en tenue anti-émeute (Le Figaro) ont été débordés par une manifestation comptant globalement "une poignée d'individus" (Arnaud Montebourg, BFM TV). Non contente d'avoir à elle seule occupée l'axe allant de l'Arc de Triomphe au Pont de Neuilly, ainsi que - partiellement - les avenues Foch et Carnot (selon... tout le monde), une sous-"poignée d'individus" a prétendu et réussi à descendre sur les Champs Elysées.

"Les forces de police ont été exemplaires" (Manuel Valls, RTL) pour "contenir ces factieux" (Manuel Valls, BFM TV) qui les ont attaqués en se réfugiant derrière des "poussettes béliers" (Emmanuel Lemoine, France 2).
Il paraitrait, mais je reconnais ne pas avoir vérifié cette information, que le Ministre de l'Intérieur s'est exclamé dans la soirée : "Les Champs outragés, les Champs brisés, les Champs martyrisés, mais enfin, à 21h, les Champs libérés !"

Tout de même, Monsieur le Ministre, 1 500 hommes qui ne parviennent pas à contenir une sous-"poignée d'individus", admettez que ça fait désordre... Comme dit Venantino - c'est l'un de mes amis - il semblerait que de nos jours, à l'Intérieur, il y ait de moins en moins de techniciens pour le combat à pied, que l'esprit fantassin n'existe plus. Je ne peux y croire. J'y ai d'ailleurs suffisamment d'amis pour savoir que ce n'est pas vrai.


Il parait qu'une certaine Nabila a ajouté (mais je ne la connais pas, donc je ne sais pas si c'est vrai et je la cite de mémoire) : "Nan mais holà, quoi, t'es ministre de l'Intérieur et t'arrive pas  à contenir une sous-poignée d'individus... non mais holà... C'est comme si je te dis : t'es ministre du Budget et t'as un compte en Suisse..."

Non, je crois plutôt la version d'Hubert - un autre de mes amis : "t'es mauvais, Jack !"

vendredi 7 juin 2013

J'préviens, j'préviens plus !

Ah la la, mes chers lecteurs, il va encore falloir vous appuyer une énième contribution de monsieur Lambda au sujet du "mariage pour tous"... Quelle mouche le pique donc, allez-vous penser. La chose est derrière nous désormais ; que va-t-il faire dans cette galère ? C'est qu'en bon crocodile* qui laisse trainer ses yeux à la surface, je vois un tas de petites choses si appétissantes que je ne peux résister au plaisir de foncer dessus. Oui, j'ai un côté gamin, je sais.

Donc, je suis contre. Rassurez-vous, je n'irai pas sur le fonds de la question : d'autres que moi ont largement raisonné, expliqué, argumenté, débattu. J'ai bien noté que les partisans du "mariage pour tous" s'étaient gardés de fournir des raisonnements et argumentaires du même niveau, se contentant généralement d'accuser leurs adversaires d'être toutpleindetrucophobes, ce qui n'était pas étonnant car au fond, ils étaient d'abord et avant tout pleindautrechosistes.

Je suis bien sûr prévenu de longue date de ce procédé pour réduire quelqu'un au silence. Mais c'est pour moi une source d'émerveillement sans cesse renouvelée que le spectacle de gens se drapant dans le noble refus des étiquettes mais passant leur temps à mitrailler leurs contradicteurs de qualificatifs en "phobe" et en "isme". Vous conviendrez tout de même que cette technique présente l'inconvénient de transformer le débat en monologue, ce qu'en bon Gaulois, je déplore. Mais passons.

Ceci pour dire qu'il est possible que vous trouviez ici et là quelques remarques tatillonnes et non dénuées d'espièglerie au sujet du "mariage pour tous" et des manifestations d'opposition à cette loi. Si le sujet vous hérisse et qu'un brin d'ironie vous défrise, évitez les billets qui en parleront (comme celui-ci par exemple). Si vous étiez pour cette loi et que vous souhaitiez un grand débat sur le sujet, ayez l'amabilité de m'adresser par mail une dissert' de 4 pages minimum, je vous promets de vous répondre de manière non moins précise et détaillée et pourquoi pas même, de poursuivre ensuite cette discussion autour d'un verre. Promis, je rangerai les plaisanteries au placard, et on parlera sérieusement.

Mais tout de même. "Mariage pour tous", parlons-en. Parce que c'est pas vrai, il n'est pas "pour tous" ce mariage. Prenez les auto-sexuels par exemple. Qui s'occupe d'eux ? Pourtant, à bien examiner le monde politique, l'univers médiatique et d'ailleurs la société française dans son ensemble (et sans doute votre serviteur aux yeux de certains), ce ne sont pas les br...leurs qui manquent. Je crois même qu'on peut affirmer qu'ils sont beaucoup plus nombreux que les homosexuels. Et pour eux, rien, nada, oualou... Est-ce bien raisonnable ?



*rapport à mon premier billet

Qu'est-ce qu'il blogue, le crocro... le crocodile ?

Qu'on se rassure, l'auteur du blog ne revendique aucun titre ronflant, ni qualification distinguée ou spécialité improbable.

Amoureux du grand large, des hauteurs venteuses et vastes espaces infréquentés, on lui prête une insatiable curiosité qui s'exercerait tous azimuts, d'où des références littéraires et cinématographiques approximatives. Il confesse un faible pour les appareillages au p'tit blanc et autres gnôles hasardeuses, pourvu qu'il soit en bonne compagnie.

Les lecteurs qui s'égarent ici ne lui tiendront donc pas rigueur de ses propos sarcastiques, décousus et parfois aventureux qui n'engagent que lui et auxquels ils feront bien de ne prêter qu'une attention épisodique et (très) relative.